Ma radio toujours allumée en bruit de fond sur France-Inter, tout à coup mes oreilles entendirent :
L’inceste
Mon ouï, jusqu’à cette seconde, sourde à ce qui se passait sur France-Inter, s’était comme réveillée brutalement. Tout à coup ce qui se nichait au plus profond de ma conscience saisit ce qui se dit. Ils auraient parlé d’un tremblement de terre quelque part sur la planète ou d’une nouvelle guerre je ne l’aurais pas entendu. Il faut croire que je vivais depuis toujours avec ce traumatisme présent à mon insu dans ma conscience.
Inceste maternel
Je n’entendis que « inceste maternel » et rien de ce qu’ils en commentaient. C’était la première fois de ma vie que j’entendais le mot « inceste » accolé à « maternel ». Jusqu’à ce jour j’avais entendu des commentaires de psy et des témoignages sur les deux autres incestes : le paternel et le fraternel, mot qu’il ne fallait bien évidemment pas prendre dans le sens « amical » mais tout au contraire agressif quand il était accolé à « inceste ». Ce sens agressif paraissait, tout à coup, identique en ce qui concerne « maternel ».
Vécu de 13 à 18 ans, analyse
En une seconde je compris que ce que j’avais vécu de 13 à 18 ans de la part de ma mère était un inceste.
Jusqu’à ce jour je n’avais pas eu de mot pour désigner ce que ma mère m’avait fait subir.
J’avais fait une analyse psy de fin 1984 à mai 1991. Je n’avais d’ailleurs pas pu entreprendre quelqu’analyse que ce soit tant que ma mère était vivante. Par chance elle était morte en janvier 1985, j’avais été libéré et pu, enfin, entreprendre une analyse. J’avais eu longtemps le prétexte, réel, que je n’avais pas de revenu suffisant pour entreprendre un tel travail sur moi. Malgré tout je ne pus que remarquer que je n’avais pas vraiment changé de statut financier quand j’entrepris ce travail d’analyse, c’était donc bien la mort de ma mère qui m’avait permis de l’entreprendre, et qu’elle fut en vie qui me l’avait empêché.
J’y avais décris ce que j’avais subi de la part de ma mère sans jamais le nommer. La première psy, puis le deuxième psy, n’étaient pas intervenu pour me donner ce mot. Ils écoutaient, assis bien tranquillement là dans un fauteuil derrière ma tête, moi allongée sur le divan. Certes en parler pour la première fois, crier, pleurer, souffrir l’horreur, la vider, m’avait fait du bien, mais je restai toujours dans l’inconnu, c’était resté « l’innommable ». Ce mot ayant là un double sens : ce qu’on ne peut nommer par manque de vocabulaire, et ce qu’on ne peut nommer parce qu’indicible. Les deux s’appliquant à mon « cas ».
Le forum AIVI
Les années passant, internet commence à s’ouvrir. Je pensais un jour qu’il y avait peut-être un forum où je pourrais échanger avec d’autres victimes d’inceste. C’est ainsi que je découvris le forum AIVI ouvert par Isabelle Aubry elle-même victime d’inceste.
Ainsi je commence à parler de ce que j’ai vécu. D’abord lire les autres témoignages concernant toutes les autres sortes d’incestes : par le père, le frère, le grand-père, un membre de la famille, et enfin la mère ce qui est plus rare. Nous sommes femmes et hommes à avoir subi ce genre d’inceste. Peu à peu je commence à me livrer, à apprendre des autres, de leur vécu.
Contact de Anne Poiret
Puis un jour on me contacte : une journaliste a le projet de faire un livre de témoignages sur l’inceste maternel. C’est un inceste qui a l’air plus exceptionnel que l’inceste masculin.
La journaliste, Anne Poiret, a qui les responsables du forum, avec mon accord, ont donné mes coordonnées, me contacte. Nous choisissons un lieu en dehors d’un lieu habité, dans la campagne du Luberon. C’est l’hiver, le vent souffle dans la plaine. Elle est accompagnée d’un technicien qui est chargé de la prise de son, elle me pose des questions.
Je comprends qu’elle connait assez bien la question de cet inceste particulier. Elle a déjà fait d’autres interviews, et sans doute des recherches, malgré tout je suis surprise qu’une femme s’intéresse à cette question délicate. Elle m’informe que « non je n’ai pas subi d’inceste ». Les interviews se font sur plusieurs jours, je pleure face à certaines questions, ne me maitrise pas du tout, ce sont des sanglots irrépressibles.

Témoignage à la Télévision
Peu de mois plus tard elle me demande si j’accepterai de témoigner à la télévision, je serai à visage caché.
Je ne saurai jamais pourquoi elle m’a choisie moi pour cette interview, car elle connait bien d’autres victimes, hommes et femmes, chacune avec son vécu particulier. Les autres ont-elles toutes refusé ? Parce que mon vécu est tout à fait particulier, diffère en bien des points des autres. Sans doute que chaque vécu à sa particularité, malgré tout je ne saurai jamais pourquoi moi, et quand je pose la question elle l’élude, me disant que « vous serez très bien ».
Un jour on me fixe un rendez-vous où une voiture vient me chercher. C’est la nuit, je ne vois pas grand chose de l’environnement de l’immeuble de la Plaine Saint-Denis, qui se dresse, et qui d’ailleurs ne m’intéresse pas du tout, mon esprit est tout à fait ailleurs, sur cette tâche énorme qu’on m’a attribuée. À la fois je dois parler de mon vécu et être une sorte d’ambassadrice pour toutes les autres victimes.
On m’amène dans des couloirs qui débouchent sur des loges, le tout assez vide, juste des maquilleurs m’attendent. Nous sommes un maximum de cinq personnes en tout dans ces grands couloirs. On m’affuble d’une perruque noire, on me maquille … après une attente d’environ une demi-heure qui me parait trois heures, anxieuse, on m’amène sur le plateau de l’émission.
Nous sommes en hiver 2006 ce seront les dernières émissions de On Ne Peut Pas plaire à tout le monde (ONPP) dont le présentateur est Marc-Olivier Fogiel, qui tout de suite m’agresse, heureusement que Guy Carlier est là pour arrondir les angles… C’est un souvenir exécrable : je ne saurai jamais si ma « prestation » a pu servir à quoi que ce soit…
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